Députée LREM du Nord, elle est co-raporteure avec sa collègue Carole Grandjean de la proposition de loi pour renforcer la prévention en santé au travail, adoptée le 17 février 2021 en première lecture à l’Assemblée nationale.
Pouvez-vous revenir sur les mesures phares de cette proposition de loi (PPL) et son implémentation ?
La PPL porte dans son ADN d’abord et avant tout la prévention, à la double échelle de l’employeur et de la médecine du travail. Elle est au service de la logique de prévention collective par essence, même si elle concerne aussi la prévention individuelle.
Elle repose sur plusieurs mesures phares portées conjointement par les partenaires sociaux dans le cadre de l’ANI* et par les parlementaires.
Parmi celles-ci, je tiens à citer :
- La réaffirmation du document unique d’évaluation des risques professionnels (DUERP).
- L’encadrement médical en direction des TPE-PME.
- La lutte contre la désinsertion professionnelle avec le renforcement des conditions de retour au travail (rendez-vous de liaison avec l’employeur par exemple) et un suivi plus régulier (visite de mi-carrière).
- Le décloisonnement entre la santé publique et la santé au travail en particulier via l’accès au dossier médical partagé (DMP).
Parallèlement, la PPL s’attache à prévenir la pénurie de professionnels. Un statut d’infirmier en pratique avancée a ainsi été créé, avec une formation minimale homogène qui permettra aux médecins de pouvoir déléguer plus facilement.
*Cet accord national interprofessionnel a été conclu le 10 décembre 2020 entre patronat et syndicats.
Comment jugez-vous la protection sociale complémentaire (PSC) en entreprise et comment, ou jusqu’à quel point, les contrats collectifs contribuent-ils à la santé des salariés ?
La PSC finance déjà des actions de prévention en termes de vaccination (grippe, Covid-19) ou de dépistage. Toutes les ressources complémentaires en faveur d’articulations et d’accords autour de ces actions au sens large sont évidemment les bienvenues ! Un amendement a été déposé en ce sens pour aboutir à un contrat pluriannuel d’objectifs et de moyens (CPOM) qui prenne en compte et précise les orientations prioritaires de chaque branche professionnelle en termes de risques. Notre ambition ? Inciter les branches à s’impliquer et les encourager à se mobiliser dans des actions de prévention. Les acteurs doivent trouver de la cohérence autour d’objectifs partagés, ce qui suppose un état de lieux en amont
Quel regard portez-vous sur l’accès au dossier médical partagé par le dossier de santé au travail en vue de faciliter les échanges d’informations ?
Notre travail s’est attaché à garantir par tous les moyens le respect du secret médical, avec le consentement obligatoire du salarié ou le seul accès du médecin aux données de santé par exemple. Nous avons sollicité et intégré les recommandations du Conseil d’État en la matière dans le texte de loi. Nous nous sommes aussi coordonnés avec la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL), qui a été amplement auditionnée, et proposera un accompagnement au niveau des outils pour aider les parties prenantes à se conformer au nouveau critère de certification des règles par les services de prévention et de santé au travail.
Est-il envisageable que les services de prévention et de santé au travail s’ouvrent successivement à des collaborations extérieures comme des opticiens ou des dentistes ?
Absolument. Les missions de la médecine du travail relèvent de la santé publique. C’est un terreau fertile pour des partenariats et des collaborations externes, comme dans le cas des plateformes des communautés professionnelles de santé (CPTS). Ces ouvertures et la multiplication des échanges avec la médecine de ville sont à favoriser en restant toutefois dans le cadre d’une articulation directe. La promotion du sport-santé en fait partie.
Le 11 mars prochain se tient la 24e Journée nationale de l’audition, souhaitez-vous ajouter un commentaire concernant la prévention auditive en particulier ?
Le bruit est depuis longtemps reconnu et clairement identifié comme un facteur de pénibilité et c’est en effet un axe de prévention très important directement lié à la santé au travail. Si les conséquences psychologiques des conditions de télétravail ont été particulièrement relevées cette année, les conséquences physiques, dont l’exposition au bruit ou les difficultés visuelles, sont aussi passées sur le devant de la scène.
Cette réforme va vraiment aller plus loin dans la prévention en donnant aux services de santé au travail les moyens et l’organisation pour agir. C’est une petite victoire dont nous pouvons être fiers !
À ce jour, les deux rapporteurs au Sénat ont été nommés : Pascale Gruny (LR) et Stéphane Artano (RDSE). L’examen de la PPL devrait se tenir dans les prochaines semaines.
Crédit photo : © Assemblée nationale – 2020