Claude Évin est avocat associé au sein du cabinet Houdart et Associés. Ministre de la Santé (1988-1991), il fait voter la loi éponyme qui régit la consommation de tabac dans les lieux publics, ainsi que les publicités pour les boissons alcoolisées. Il a été Directeur général de l’Agence régionale de santé d’Île-de-France (2010-2015).
Quelles sont, selon vous, les actions prioritaires à mettre en œuvre pour rééquilibrer l’accès aux soins sur le territoire ?
Deux problématiques doivent être prises en compte pour répondre à cette question.
D’une part, la diminution du temps médical chez les médecins. Leurs conditions d’exercice leur laissent de moins en moins de temps à consacrer au patient. Il faut leur permettre d’en retrouver.
D’autre part, la volonté des professionnels de santé d’exercer de façon regroupée. Cela est en effet nécessaire pour assurer des prises en charge toujours plus complexes liées au développement des maladies chroniques. Plus largement, les médecins souhaitent exercer autrement leur métier, de manière moins isolée qu’auparavant.
Pour répondre à ces défis et attirer des professionnels au sein des territoires sous-dotés, il est donc nécessaire de favoriser ces modes d’exercice regroupés. C’est un travail sur l’organisation même de l’offre de soins qu’il faut conduire et non un ensemble de mesures déconnectées les unes des autres.
Vers quelle organisation doit-on donc aller ?
Il n’y a pas de modèle unique, la réponse doit être adaptée à chaque territoire. Pour cela, des concertations doivent être menées en amont des projets avec les acteurs locaux : les professionnels de santé (…), les collectivités territoriales, les établissements de soins… Cette mobilisation collective est indispensable.
Il faut ensuite s’appuyer sur une panoplie d’outils : qu’il s’agisse d’incitations individuelles à l’installation ou de dispositifs de regroupement comme les groupements de coopération, les sociétés interprofessionnelles de soins ambulatoires (SISA) ou les maisons pluriprofessionnelles de santé.
Le délai d’attente pour obtenir un rendez-vous chez un spécialiste est l’un des premiers freins à l’accès aux soins. Pensez-vous que la télémédecine dans les domaines de la santé visuelle, bucco-dentaire et auditive puisse être une solution qui répondrait aux besoins des citoyens ?
Pour être efficace, la télémédecine ne doit pas être considérée comme un ensemble que l’on viendrait plaquer sur le système de santé actuel. La télémédecine s’applique en effet à une grande variété d’acteurs et recouvre des actes de natures très différentes. En cela, l’enjeu est de l’introduire réellement dans une organisation territoriale. C’est là qu’elle prendra tout son sens. (…)
La coopération entre professionnels de santé et le transfert de certains actes pourraient-ils contribuer à lutter contre les déserts médicaux ? (…)
La coopération entre professionnels est en effet un levier pour lutter contre la désertification médicale et garantir l’efficacité des parcours de soins. Dans cette logique, le transfert d’actes entre médecins et infirmiers est tout à fait pertinent, ces derniers pouvant effectuer certaines tâches de façon plus adaptée.
Dans le secteur de l’optique, la délégation de certaines tâches entre l’ophtalmologiste et l’orthoptiste fonctionne bien. (…)
*Source « La Santé Gagnante », newsletter de prospective et de réflexion sur la santé éditée par Carte Blanche Partenaires – octobre 2017