Dominique Libault est le Président du Haut-conseil au financement de la protection sociale et directeur de l’EN3S (Ecole Nationale Supérieure de Sécurité Sociale). Il a été le directeur de la Sécurité sociale de 2002 à 2012.
Renforcer la prévention de la perte d’autonomie : tel est l’objectif de la loi en faveur du grand âge qui sera présentée avant l’été. Celle-ci s’appuiera sur les enseignements d’une large concertation menée auprès d’acteurs de l’aide aux personnes âgés et pilotée par Dominique Libault. Il revient sur les principaux enseignements de ces six mois d’échanges et sur l’enjeu des troubles sensoriels dans le maintien au domicile.
Au cours des six mois de consultations que vous avez menées dans le cadre de la Concertation « Grand âge et autonomie », quels ont été les enseignements les plus marquants, notamment vis-à-vis des troubles sensoriels ?
Il ressort de ces différents échanges que la politique du « bien vieillir » doit avant tout viser l’amélioration ou le maintien des fonctions essentielles de la personne. Le rapport que nous avons rendu est marqué par cette approche promue par l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) depuis 2008. Basée sur plusieurs études scientifiques, celle-ci donne la priorité à la surveillance et au maintien des cinq fonctions essentielles de l’individu : la mobilité, la cognition, les fonctions sensorielles (audition, vision), le psychosocial et la vitalité/nutrition. Or, les troubles sensoriels ont des répercussions fortes sur les quatre autres fonctions. Ils impactent bien sûr la capacité des individus à se mouvoir et entraînent des sur-risques de chutes. Mais ils augmentent aussi les risques de dépression, de démence ou de dépendance. C’est pourquoi la prévention des troubles sensoriels est un élément très important du maintien au domicile.
Le rapport appelle à la mise en place d’un travail normatif pour faciliter la mise sur le marché d’équipements adaptés aux troubles sensoriels des personnes âgées. En quoi ce travail est-il aujourd’hui nécessaire ?
Les différents témoignages recueillis ont mis en exergue les difficultés pour les personnes atteintes de troubles sensoriels d’utiliser de nombreux équipements du quotidien. Les équipements tactiles par exemple, ne sont pas adaptés aux personnes qui souffrent de problèmes d’acuité visuelle. C’est pourtant un aspect important du maintien au domicile des individus. La solution passera sans doute par la définition et la mise en place de nouvelles normes d’accessibilité auprès des industriels.
De quelle façon notre système de santé doit-il évoluer afin de permettre d’assurer la surveillance et le maintien des fonctions sensorielles ? Quel rôle sont amenés à jouer les professionnels du secteur en la matière ?
Nous devons avant tout développer la prévention dès le plus jeune âge et tout au long de la vie de l’individu. Si l’on prend l’exemple des problèmes auditifs, c’est dès l’enfance que les bonnes pratiques doivent être intégrées vis-à-vis de l’utilisation des appareils audio.
Il est ensuite nécessaire d’équiper correctement les personnes atteintes de déficiences visuelles ou auditives. La mise en place du 100% santé va donc dans le bon sens en permettant au plus grand nombre de bénéficier de dispositifs de correction.
À cet égard, les publics isolés ou situés en EHPAD doivent faire l’objet d’une attention particulière. Ils n’ont pas assez accès aux diagnostics et aux évolutions de correction dans le domaine de l’optique et de l’audition, entre autres. Il serait donc opportun de généraliser les initiatives qui commencent afin de rendre courante l’intervention à domicile ou en EHPAD d’opticiens ou de spécialistes de l’audition.