Franck von Lennep

Franck Von Lennep : « L’accompagnement de la réforme du 100% Santé par les professionnels est très important »

Le Directeur de la Sécurité sociale revient pour le Scanner sur plusieurs sujets d’actualité liés à l’accès aux soins, à travers la mise en œuvre du 100% Santé et le développement de la téléconsultation. Il aborde également les enjeux de la réforme à venir du Grand âge, alors qu’une 5ème branche de la Sécurité sociale relative à l’autonomie vient d’être créée.

La dernière phase de la réforme du 100 % Santé entrera en vigueur au 1er janvier 2021, avec la prise en charge de nouvelles prothèses dentaires et des équipements auditifs. Quel regard portez-vous sur la mise en œuvre de la réforme depuis 2020 et sur ses premiers effets ?
Étant donné que la réforme sera définitivement mise en place à partir de 2021, il est difficile de l’évaluer en cours de route. Les éléments dont on dispose sont provisoires mais les données de début d’année, avant la crise sanitaire qui a bouleversé le parcours de soins, montraient en particulier que les dentistes s’appropriaient bien le 100 % Santé.
Pour les audioprothèses, il faut encore attendre un peu avant d’évaluer, puisque le 100 % Santé sera mis en place en 2021. Mais on sent tout de même l’attente des professionnels et des complémentaires. Les signaux montrent que l’offre devrait rencontrer son public et sa demande.
Espérons surtout que cette réforme puisse s’inscrire dans un contexte sanitaire moins perturbé et que l’on retrouve une année plus normale sur la question de l’accès aux soins.

Quels sont, selon vous, les facteurs de réussite de cette réforme durant les prochaines années ?
Il faut d’abord que l’offre soit déployée par la totalité des professionnels, qu’ils la présentent et l’expliquent aux patients et aux assurés. L’accompagnement de cette réforme par les professionnels est très important.
Ensuite, il y a un enjeu de communication auprès du grand public. Jusqu’à maintenant la montée en charge progressive rendait difficile une communication transversale, puisque certains services n’étaient pas encore mis en place.
Enfin, il y a des enjeux dans l’accès à l’offre, notamment avec le tiers payant intégral. Il renforcera l’accès au 100 % Santé, à condition d’être mis en place largement. C’est dans cet objectif que la LFSS 2021 rend obligatoire l’offre de tiers payant sur le 100 % Santé par les complémentaires à partir de 2022.
Cette obligation est une mesure de volontarisme politique. Nous devons l’accompagner l’année prochaine avec l’ensemble des acteurs. Nous avons un rôle de facilitateur et d’incitateur, puisque l’État ne peut pas tout : il n’est ni celui qui met en place les outils ni celui qui les utilise.

Le PLFSS 2021 permet la prise en charge des téléconsultations à 100 % par l’Assurance maladie d’ici à la fin 2021. À moyen terme, quelle place la téléconsultation est-elle vouée à occuper au sein de notre système de santé et avec quel financement ?
Il faut trouver le bon équilibre entre le déploiement d’une offre qui a prouvé son utilité – on l’a vu dans le contexte de crise sanitaire – et le fait que personne (pouvoirs publics et professionnels) ne souhaite que cette offre se généralise en dehors de l’organisation des parcours de soins.
La crise a montré que le recours à la téléconsultation a beaucoup augmenté depuis le premier confinement et beaucoup de médecins l’ont proposée. Les Français se sont rendu compte de son utilité dans certaines situations, lorsqu’un examen clinique en présentiel n’était pas nécessaire. Mais il faut distinguer la téléconsultation en visio et par téléphone : cette dernière a son utilité, notamment pour éviter les déplacements durant la crise, mais elle ne constitue sans doute pas un modèle d’avenir.
L’année que nous venons de vivre nous incite à aller plus loin que ce qui existait auparavant en matière de téléconsultation, en veillant tout de même à s’inscrire dans les parcours de soins à chaque fois que c’est possible pour maintenir systématiquement le lien avec le médecin traitant et les échanges de données, notamment via le dossier médical partagé. Il faut que tout se fasse au bénéfice de l’accès aux soins et de la qualité des soins. De nombreux exemples internationaux montrent que la téléconsultation peut trouver sa place dans l’offre de soins.

Le PLFSS 2021 permet la création de la 5ème branche de la Sécurité sociale relative à l’autonomie, première étape avant le projet de loi Grand âge attendu en 2021. De quelle façon notre système de santé parviendra-t-il à diminuer le reste à charge des personnes âgées et de leur famille dans les années à venir ?
Il y a deux cas de figure principaux en la matière : lorsque les personnes sont à domicile et lorsqu’elles sont en EHPAD.
À domicile, le reste à charge des personnes bénéficiaires de l’APA reste globalement limité. En effet, les personnes à bas revenus ont un ticket modérateur faible voire nul. Quand on monte dans l’échelle des revenus, le ticket modérateur de l’APA augmente mais le reste à charge fait l’objet d’un crédit d’impôt qu’il prend en charge à 50 %. Entre l’APA et le crédit d’impôt, le système n’est pas parfait mais le reste à charge reste globalement raisonnable.
L’enjeu des prochaines années est de prolonger la réforme du prélèvement à la source et de rendre le crédit d’impôt contemporain pour les usagers de services à la personne. Nous avons un projet en cours, porté par le ministre Olivier Dussopt, pour les services à domicile, qui concerne notamment les bénéficiaires de l’APA et de la PCH. Aujourd’hui, ces personnes doivent souvent avancer les frais, ont un reste à charge et sont ensuite remboursées par l’administration fiscale. L’idée est de tout relier en temps réel et de faire en sorte que le ménage ne paie que le reste à charge net définitif.
Pour ce qui est des personnes en établissements, le reste à charge peut atteindre 2 000 euros en EHPAD publics et privés. Pour une majorité de résidents, leur retraite ne suffit pas. Le reste à charge négatif doit alors être financé par leur épargne, ou par leurs enfants voire leurs petits-enfants. S’il n’y a pas d’obligés alimentaires ou si leurs revenus sont trop faibles, le département prend en charge la différence. Globalement, la charge sur les ménages est donc lourde.
Au vu des contraintes budgétaires, nous sommes face à un vrai choix politique : doit-on investir dans la réduction du reste à charge en établissement ou bien prioriser l’amélioration de la qualité de la prise en charge ? De nombreux acteurs de terrain priorisent cette dernière option.
La crise sanitaire a montré en effet la fragilité de la prise en charge en EHPAD, le manque de personnel et la situation précaire des établissements en cas d’absence d’un salarié. Des rapports parlementaires ont appelé à l’augmentation du taux d’encadrement, parfois jusqu’à 1 ETP contre les 0,6 ETP actuels par résident. Une évolution, même de 20 ou 30 %, demandera des financements très importants. C’est un chantier de longue haleine.
Pour ce qui est de l’amélioration du reste à charge, il faut certes regarder du côté des financements publics mais aussi vers une meilleure mobilisation de ressources privées, en visant, par exemple, une solvabilisation à travers la vente en viager d’une résidence principale ou la mobilisation de l’assurance vie. On pourrait aussi inciter et mieux sensibiliser à l’assurance dépendance, notamment à l’approche de l’âge de la retraite.

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