Gilles Bonnefond : «Les pharmaciens ont été en première ligne pour assurer la continuité des soins et rassurer les Français»

Président de l’USPO (Union des syndicats de pharmaciens d’officine), Gilles Bonnefond revient sur le rôle joué par les pharmaciens lors de la crise du COVID-19 et explique de quelle façon ils sont en mesure d’accompagner les parcours de soins dans un contexte de désertification médicale.

Par-delà la vente de médicaments, de masques et de gel, quel rôle ont joué les pharmaciens d’officine dans le cadre de la crise du COVID-19 ?
Ils ont tout d’abord été les garants de la continuité des soins, en premier lieu pour les personnes âgées et les patients chroniques. Au début de l’épidémie, la crainte était forte que ces populations rencontrent des difficultés d’accès aux cabinets médicaux et ne puissent pas renouveler leurs ordonnances.
Les pouvoirs publics ont donc permis aux pharmaciens sous certaines conditions de renouveler une partie des ordonnances pour éviter toute interruption de traitement préjudiciable à la santé du patient.
Cela a rassuré la population et a permis d’éviter tout arrêt de traitement. Au final, la consommation des médicaments chroniques est restée stable et aucun problème d’accès aux médicaments n’est advenu. Ce dispositif était inimaginable juste avant la crise. Et pourtant, il a parfaitement fonctionné.
En parallèle, les officines sont devenues des lieux de signalement pour les personnes en grande difficulté ou victimes de violences. Nous savons que les violences familiales ont bondi lors du confinement. En tant qu’acteurs de proximité, les pharmaciens sont souvent en contact avec des victimes ou des témoins de violences. Durant cette période, les pharmaciens étaient donc un relai légitime pour alerter les forces de l’ordre ou les urgences en cas de problème avéré.
Plus largement, le réseau des pharmaciens était en première ligne auprès de l’ensemble des Français pour répondre à leurs interrogations et à leurs inquiétudes au gré de l’actualité. C’est ce que nous faisions déjà au quotidien, mais nous avons renforcé cet aspect de notre activité afin de pouvoir sensibiliser et rassurer la population par un discours clair et surtout cohérent à travers le pays.

Comment êtes-vous parvenu à réguler la vente et la consommation des médicaments, alors que certains d’entre eux auraient pu faire l’objet d’achat massifs sous l’effet de la panique, comme on l’a vu pour d’autres produits de première nécessité ?
Le risque de rupture de stock était réel et les pharmaciens ont joué pleinement leur rôle de professionnels de santé pour éviter un tel phénomène. Ce sont ainsi les officines qui ont demandé aux pouvoirs publics de pouvoir limiter les ventes de Paracétamol à deux boites par individu en l’absence d’ordonnance. Les explications fournies par les pharmaciens auprès des patients leur ont permis de comprendre et d’accueillir favorablement cette mesure, sans céder à la panique. Nous avons ainsi pu gérer au mieux les ventes de ce médicament durant toute la période du confinement.
Les pharmaciens ont aussi évité la ruée vers le Plaquenil, à base d’hydroxychloroquine. (ndlr : ce médicament était prescrit par certains médecins pour traiter le COVID-19 et non en lien avec ses indications médicales lors de sa mise sur le marché). Certains patients ont considéré ce médicament comme un produit banal et miracle, ce qui n’est le cas d’aucun médicament. Il a fallu dans un premier temps sensibiliser les patients avant que le Gouvernement n’interdise la dispensation de Plaquenil en cas de COVID-19. Cela nous a permis d’éviter toute rupture de stock pour les patients qui en avaient besoin dans le cadre de leur traitement par ailleurs.
Au-delà des médicaments, nous avons joué un rôle indispensable vis-à-vis des masques. Sans le maillage pharmaceutique et sa logistique, je ne sais pas comment des professionnels de santé en première ligne, comme les sages-femmes ou les auxiliaires de vie, auraient pu s’en fournir.
Nous travaillons actuellement avec l’Assurance-Maladie et le Gouvernement pour développer une stratégie adaptée aux populations fragiles afin de leur permettre d’avoir accès aux outils de protection comme les masques.

La crise a mis en avant l’efficacité du réseau d’officines ainsi que l’étendue de vos missions. Quelles autres initiatives, de prévention ou de dépistage, pourraient être développées à plus long terme, notamment pour désengorger les cabinets médicaux ?
La période actuelle a confirmé l’efficacité du rôle de « pharmacien correspondant ». Désigné par le patient, le pharmacien correspondant peut, avec l’accord du médecin, renouveler de façon périodique un traitement chronique ou ajuster sa posologie. Il observe la tolérance au traitement ainsi que les éventuels effets indésirables. Il permet ainsi de désengorger les cabinets médicaux.
Mais l’enjeu est d’aller plus loin, en développant la médication officinale, c’est-à-dire la possibilité pour le pharmacien de conseiller directement le patient sur des maladies clairement identifiées, sans que ce dernier n’ait à prendre un rendez-vous chez un médecin. Nous le savons aujourd’hui : un tiers des visites en cabinet médical ou aux urgences pourraient être traitées directement par un passage en pharmacie.
Dans de nombreux cas, le pharmacien est en mesure de poser le juste diagnostic et de préconiser le traitement médical le plus approprié. Cela peut correspondre à des situations de maux de gorge, de rhumes, de problèmes d’eczéma ou d’allergies. Il faut simplement prévoir des protocoles clairs en amont. Au Québec, les gastro-entérites, dont les symptômes peuvent être identifiés facilement, peuvent être prises en charge directement chez le pharmacien à travers un système d’ordonnances pré-établies. Cela leur permet d’éviter l’engorgement des cabinets médicaux en cas d’épidémie.

Face à la désertification médicale, la téléconsultation peut désormais être proposée aux patients depuis la pharmacie. Que permet un tel dispositif ?
Dans les territoires souffrant d’une faible présence de cabinets médicaux et situés loin des hôpitaux, le pharmacien est le seul acteur de santé accessible. Dans ce cadre, la téléconsultation permet aux patients de bénéficier d’une vraie consultation médicale au sein de son officine. En contact avec le médecin du patient, le pharmacien bénéficie de tout l’équipement nécessaire pour prendre la température et la tension, pour examiner les oreilles ou encore vérifier les taux d’oxygène dans le sang. Ce dispositif permet de poser un diagnostic fiable à distance et d’éviter ainsi le recours systématique aux urgences.
La téléconsultation permet également d’accompagner le travail au long cours du « pharmacien correspondant » en envoyant directement toutes les données auprès du cabinet médical, sans que le patient âgé ou chronique n’ait à s’y rendre.
Pour les patients éprouvant le plus de difficultés à se déplacer mais pouvant se connecter à internet, une téléconsultation de leur pharmacien depuis leur domicile, aussi appelé « télésoin » pourrait s’envisager à l’avenir.
De façon plus générale, la téléconsultation a vocation à se développer suite à la crise du COVID-19 durant laquelle une partie des médecins ou des kinésithérapeutes l’ont beaucoup utilisée.

L’USPO a signé avec la plateforme de services santé Carte Blanche Partenaires un partenariat pour faciliter le remboursement auprès des Français des médicaments couverts par leur mutuelle. Quel en est l’objectif ?
Lors de problèmes de santé mineurs, une partie des patients privilégient les consultations au sein d’un cabinet médical ou à l’hôpital plutôt que de se rendre en pharmacie, uniquement car ils souhaitent bénéficier du remboursement des médicaments.
Or, les Français disposant d’une mutuelle peuvent être remboursés sur de nombreux médicaments directement en officine. Le partenariat que l’USPO a signé avec Carte Blanche Partenaires permet ainsi de faciliter ce remboursement, d’une part en informant en temps réel le patient lors de la dispensation du médicament et d’autre part en permettant une procédure de remboursement instantanée et totalement digitalisée en tiers payant, alors qu’un paiement par le patient et l’édition d’une facture était jusqu’ici requise.
Cette démarche permettra d’inciter les patients à se tourner directement vers leur pharmacie sans être pénalisés financièrement. Elle participe à un enjeu décisif pour désengorger cabinets et urgences : le renforcement du parcours de soins pharmaceutique.

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