Gilles Bonnefond : « Les pharmaciens sont en mesure de prévenir l’antibiorésistance et de dépister le cancer colorectal. »

Le projet de loi santé, actuellement en discussion au Sénat, prévoit de nouvelles délégations de tâches pour les pharmaciens d’officine. L’objectif : renforcer la prévention et soulager le travail des médecins généralistes. Gilles Bonnefond, Président de l’USPO (Union des syndicats de Pharmaciens d’Officine) revient sur les conditions de réussite de ces nouvelles missions et se projette sur les autres délégations qui pourraient être envisagées en officine.

En 2018, l’expérimentation de la vaccination antigrippale en pharmacie s’est révélée efficace. Les régions concernées ont connu une augmentation du nombre de personnes vaccinées 3 fois supérieure à la moyenne nationale. Quelles raisons expliquent cette réussite ?
Aux yeux des Français, les pharmaciens ont une légitimité à effectuer des actes de prévention. En allant à l’officine, les patients savent qu’ils se rendent dans un espace de santé où ils auront à faire à de véritables professionnels de santé. Il était donc naturel pour eux d’aller s’y faire vacciner.
Ils ont pu le faire d’autant plus facilement que les officines proposent de fortes amplitudes horaires et qu’elles sont proches de chaque patient grâce à leur maillage territorial.

Êtes-vous satisfait des dernières évolutions du projet de loi santé ? Pour quelles raisons ?
Les dispositions actuelles du projet de loi découlent d’un positionnement clair de la profession de pharmacien d’officine. Nous avons fait le choix d’adopter une logique de professionnels de santé et non pas de commerçants. C’est dans ce sens que va la réforme actuelle de la rémunération des pharmaciens.
Notre profession est donc prête à répondre aux défis sanitaires qui sont au cœur du projet de loi : vieillissement de la population, développement des pathologies chroniques, retour à domicile, prévention et dépistage…
Le texte actuel permet aux pharmaciens de renforcer leur suivi des pathologies chroniques, de participer aux soins de premiers recours ou de contribuer plus facilement à la lutte contre la résistance antibiotique.
La possibilité de prescrire certains médicaments sans ordonnance permettra la prise en charge de l’angine, de l’orgelet, de certaines douleurs ou de la cystite.

Quelles sont les conditions de réussite pour favoriser ces délégations de tâches ?
Si l’on veut améliorer le parcours de soins du patient, l’intervention du pharmacien doit être coordonnée avec celle d’autres professionnels. Cela s’effectuera dans le cadre de communautés professionnelles de santé (CPTS), d’équipes de soins primaires ou de protocoles de soins pour les pathologies chroniques. Au sein de ces équipes, les pharmaciens ont un rôle clé à jouer en matière d’orientation et de connaissance du patient. 
À ce titre, l’échange d’information avec les médecins est indispensable. Si un médecin reçoit un patient atteint d’un épisode de toux sans savoir que ce dernier en avait connu précédemment, son diagnostic risque d’être plus compliqué. Pour connaître au mieux l’historique du patient, il peut s’appuyer sur l’information envoyée par le pharmacien à travers l’historique des médicaments conseillés à l’officine.

Au-delà du projet de loi santé, quelles délégations de tâches la profession de pharmacien pourrait-elle prendre en charge à l’avenir ? Les pharmaciens sont en mesure de prévenir l’antibiorésistance et de dépister le cancer colorectal.
Les ORL prescrivent souvent des antibiotiques pour les angines alors que l’affection n’est pas bactérienne mais virale. Cela contribue à développer l’antibiorésistance chez les patients. Les pharmaciens pourraient intervenir avant la délivrance du médicament afin de vérifier en quelques questions s’il s’agit bien d’une affection bactérienne.  Cela pourrait s’effectuer de deux manières. Dans le premier cas, le pharmacien effectue un court entretien avec le patient et lui administre un test avant qu’il ne consulte le médecin pour obtenir une ordonnance. Cela a fait l’objet d’une expérimentation concluante cette année au sein de 600 pharmacies franciliennes. Dans le deuxième cas, ce serait l’inverse : le médecin pourrait conditionner, suite à la prescription d’antibiotiques, leur dispensation  à la réalisation d’un test en pharmacie.
Un autre type de délégation pourrait concerner le dépistage du cancer colorectal. 70% des personnes qui en sont  éligibles l’ignorent et sont donc en grand danger. En Corse, 17 pharmaciens ont mis à disposition de leurs patients un test de dépistage dans le cadre d’une expérimentation. Sur 700 tests réalisés, 17 cas ont ainsi été dépistés positifs en 4 mois seulement. Là encore, les pharmaciens ont démontré qu’ils étaient des acteurs de confiance pour les Français, à même de pouvoir les sensibiliser, leur proposer un test et les orienter de façon efficace.

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