Jean-François Tripodi, Directeur Général de Carte Blanche Partenaires a répondu à nos questions.
L’activité des réseaux de soins se concentre principalement autour des domaines de l’optique, du dentaire et de l’audiologie. Ces derniers sont désormais couverts par le 100 % Santé qui permet un reste à charge zéro sur différents paniers de soins. Quel est le rôle des réseaux de soins dans la mise en œuvre, le contrôle et l’évaluation de cette réforme sur ces secteurs ?
Les réseaux de soins évoluent au sein d’un écosystème composé des professionnels de santé, des assureurs santé, et des assurés, à la fois bénéficiaires et utilisateurs des réseaux et des services. Leur rôle principal est de faciliter l’accès à des soins de qualité au juste prix, en ayant donc une fonction de régulateur sur les tarifs et les prestations vendues. Une partie de notre activité, chez Carte Blanche Partenaires, est liée à ces contrôles qui sont menés a priori et a posteriori afin de vérifier le bon respect des critères présents dans la convention qui nous lie aux professionnels de santé.
De manière opérationnelle, nous avons accompagné techniquement nos différentes parties prenantes dans la mise en œuvre parfois délicate de la réforme, tant pour les assureurs santé que pour les professionnels de santé.
Si le 100 % Santé chevauche en partie l’activité des réseaux de soins, notre mission reste entière pour les assurés, tant sur les paniers sans reste à charge que sur les paniers libres. Nous contrôlons le respect des conditions de la réforme dans les deux cas. Mais les réseaux de soins soutiennent davantage nos bénéficiaires en :
- organisant le tiers payant ;
- validant les équipements proposés par rapport à une prescription en optique et audiologie ;
- contrôlant les tarifs plafonds ;
- assurant la traçabilité des produits ;
- donnant accès à des services et garanties spécifiques ;
- fournissant un décryptage des devis pour que nos bénéficiaires prennent position en toute connaissance sur le niveau de qualité versus leur reste à charge.
Grace à la collecte des données présentes dans les millions de prises en charge que nous traitons nous pouvons évaluer avec pertinence les effets de la mise en place de la réforme par secteur.
En optique, le panier 100 % Santé est peu utilisé. En 2021, sur l’ensemble des prises en charge gérées par Carte Blanche Partenaires, seules 2,9 % ont concerné le panier A sans reste à charge. Bien qu’il y ait des besoins limités, la qualité se doit d’être au rendez-vous pour ce type d’achat. C’est pour cela que nous avons déployé dès 2016, avec nos 7 600 opticiens partenaires, l’offre Carte Blanche Prysme. Celle-ci comporte des montures, dont nous maîtrisons la fabrication, et des verres de qualité fournis par cinq verriers parmi les leaders mondiaux.
Le rôle d’un réseau de soins sur le panier B, libre et clairement majoritaire, reste complet afin d’offrir un maximum de garanties sur la qualité et le prix.
Le 100 % Santé met aussi en avant l’application du tiers payant (TP), l’un des métiers de base des réseaux de soins en tant que facilitateur de l’accès aux soins, sans pour autant apporter de nouvelles contraintes de gestion aux professionnels de santé. Carte Blanche Partenaires a ainsi mis en place, avec l’ensemble des éditeurs de logiciels de point de vente optique, un automatisme total entre le logiciel opticien et notre système informatique via la norme OptoAMC. Sans saisie supplémentaire et par un simple clic, l’opticien reçoit en quelques secondes une réponse sur sa demande de prise en charge en TP, ce qui permet au client d’obtenir immédiatement la validation de son équipement et son éventuel reste à charge.
En dentaire, la réforme connaît un réel succès. En 2021, sur l’ensemble des prises en charge que nous avons gérées, 56,7 % ont concerné des actes du panier 100 % Santé et 23 % ceux du panier modéré. Il est clair que le financement des prothèses dentaires est un axe majeur de l’accès aux soins.
Si toutefois nous constatons une légère augmentation du nombre de nouveaux patients, la croissance des volumes de traitements est plutôt apportée par les mêmes patients avec plus de prothèses ; le modèle demande donc à être amélioré.
Le grand oublié de la réforme est l’implantologie, à laquelle les Français ont pourtant de plus en plus recours. Cette technique apporte de réels avantages, mais le reste à charge demeure important malgré l’intervention des assurances santé. Notre activité s’est donc naturellement élargie avec la création d’un réseau d’implantologues ad hoc : référencement des fabricants, qualité de la formation ou de la pratique, encadrement tarifaire, tiers-payant…
En audiologie, et toujours en s’appuyant sur les chiffres issus de nos prises en charge, 40 % d’entre elles concernent l’achat d’un appareil de classe I sans reste à charge. Le besoin du secteur est très important et le renoncement aux soins élevé. Parallèlement, les audioprothèses du 100 % Santé sont de qualité très satisfaisante. Cela s’est traduit par une forte augmentation des ventes qui permettent aujourd’hui aux Français de s’équiper. Ainsi, le nombre de personnes appareillées a triplé par rapport aux années précédentes.
Le rôle de Carte Blanche Partenaires est d’accompagner les bénéficiaires dans la compréhension des conditions de la réforme entre les produits, les tarifs plafonds, les remboursements de l’Assurance maladie, ceux des assureurs santé et, enfin, le reste à charge. Il nous est apparu indispensable de clarifier par exemple les devis proposés par les professionnels de santé, dans nos réseaux ou hors réseaux, au travers du service Mon Devis Décrypté.
Nous connaissons, avec le développement du numérique en santé et de l’intelligence artificielle, des mutations organisationnelles majeures. Comment voyez-vous l’avenir des réseaux de soins dans cet environnement ?
Tout d’abord il faut parler, du moins pour Carte Blanche Partenaires, de « réseau de soins et de services » car, aujourd’hui, ce qui fait la différence, outre la qualité du réseau, c’est le panel de services mis à disposition des assurés.
Les assurances santé sont à la recherche de prestations utiles et réellement exploitées par les assurés en correspondance aux usages et aux situations de vie actuels à tous les niveaux du parcours de santé : prévention et dépistage, principalement sur le lieu de travail, information, orientation, accompagnement, aide à la décision de soins ou d’équipement…
Carte Blanche Partenaires s’appuie résolument sur le digital et le numérique depuis 2015. À titre d’exemple : le traitement des prises en charge avec les opticiens s’effectue à partir de leurs logiciels de gestion, les assurés sont accompagnés par un chatbot totalement automatisé et, dernièrement, Mon Devis Décrypté est activé grâce à une simple photo.
Échanger avec les assurés via des outils numériques est une nécessité. L’innovation est désormais portée par la qualité et l’accessibilité. Tous nos services sont digitalisés et s’appuient sur la bonne utilisation des données que nous collectons, avec l’accord explicite des bénéficiaires, pour leur apporter des avantages. À ce sujet, cela fait plusieurs années que nous investissons dans la sécurité des données de santé. Tout notre système d’information est certifié HDS (hébergement des données de santé).
Les services de Carte Blanche Partenaires seront également disponibles au sein de Mon Espace Santé actuellement mis en œuvre par le gouvernement. La possibilité de partage d’informations de santé – sous contrôle et dans le strict respect du RGPD – permettra d’optimiser nos activités d’accompagnement, de conseil et d’orientation.
Notre savoir-faire et la qualité de la sécurité des données nous ont d’ailleurs permis d’accéder au statut de bureau d’études par la CNIL, ce qui nous offre l’accès aux données du Health Data Hub, dont le système national d’information inter-régimes de l’Assurance maladie (SNIIRAM). C’est une belle reconnaissance de l’apport des réseaux de soins et de services.
N’oublions pas non plus que bon nombre de services sont liés à l’intervention de nos partenaires professionnels de santé. Depuis le 7 octobre dernier, ceux-ci peuvent accéder aux données issues des prises en charge de nos bénéficiaires, leurs patients, avec une sécurité de haut niveau via Pro Santé Connect. Une première étape vers le futur store de Mon Espace Santé !
J’aime à dire que l’avenir de l’assurance ce sont les services et l’avenir des services ce sont les données…
Un dernier point me paraît important et symptomatique de la place des réseaux de soins dans l’écosystème de l’assurance et de la santé : il s’agit de la création de l’Association des plateformes de santé (APFS). Face aux évolutions constantes, les cinq principaux réseaux de soins en France au service de 50 millions de Français (Carte Blanche Partenaires, Itelis, Kalixia, Santeclair et Sévéane) ont en effet fondé une association à portée métier. Cette dernière a pour vocation de contribuer à améliorer la compréhension de leur rôle dans l’accès aux soins des adhérents des assureurs santé ainsi que de faciliter les relations avec les autres intervenants du secteur. J’ai l’honneur de la présider dans sa première année d’existence.
L’innovation doit être partout au sein de toutes les strates de notre système de santé.