Marc Leclère : « Face aux besoins croissants, la complémentarité des financements publics et privés est un atout majeur »

Le 29 septembre 2021, Marc Leclère a été élu Président de l’Union nationale des complémentaires santé (UNOCAM). Le nouveau Président, par ailleurs Président de la mutuelle Unéo et Vice-Président de la FNMF, livre à chaud sa vision des complémentaires santé dans un contexte particulier.

Vous avez très récemment été élu Président de l’UNOCAM. Cette élection intervient dans un contexte particulier. D’une part, certains décideurs publics marquent une forme de défiance des pouvoirs publics à l’égard des complémentaires santé alors que les Français, dans de récents sondages, témoignent de leur attachement au modèle actuel marqué par la complémentarité entre la Sécurité sociale et les complémentaires. Quel regard portez-vous sur cette situation ?

Je trouve que le débat actuel risque de quitter le terrain de la rationalité pour tomber dans l’idéologie ou les slogans simplificateurs ! Le scénario de « Grande Sécu » et ses variantes sont une fausse bonne idée : non seulement elle ne manquerait pas d’augmenter les prélèvements obligatoires mais elle risque aussi, dans une formulation qui peut paraître séduisante, de porter une fausse promesse, car elle ne couvrirait pas toutes les dépenses. Surtout, elle créerait de nouvelles inégalités, voire un système à deux vitesses. Les Français l’ont bien compris.

La mise à l’index des complémentaires fait oublier un peu vite les forces de notre système à deux piliers qui, rappelons-le, permet l’accès de tous à des soins de qualité avec un reste à charge moyen faible. Ce reste à charge le plus bas de l’OCDE voire au monde est possible grâce à l’intervention combinée de l’assurance maladie obligatoire et des organismes complémentaires santé, avec une complémentarité public-privé.

Notre système repose sur un haut niveau de financement par la solidarité nationale et c’est un élément majeur de notre Pacte social. Mais l’intervention des complémentaires santé apporte un espace de liberté, de choix, qui me semble absolument nécessaire. Il permet d’adapter le niveau de couverture en fonction de ses besoins, de couvrir des prestations non comprises dans le panier public et, de manière générale, de stimuler l’innovation sanitaire et sociale. C’est aussi d’un espace de dialogue social et même souvent une forme de participation des assurés aux choix, complétant utilement l’action des pouvoirs publics.

Un de ces sondages met en avant une donnée intéressante : 55 % des sondés considèrent que le rôle des complémentaires va s’accroître en matière d’accès à des services innovants. Aller au-delà des remboursements pour développer les services et prestations à destination de leurs adhérents, comme les réseaux de soins par exemple, n’est-ce pas l’avenir des complémentaires ?

Là encore, je crois que les Français l’ont bien compris : l’assurance maladie obligatoire ne pourra seule répondre à l’ensemble des besoins croissants dans le domaine de la santé en raison du vieillissement de la population et des progrès techniques. La complémentarité des financements publics et privés – qui existe d’ailleurs dans tous les pays certes à des niveaux divers – est donc un atout majeur lorsque l’on regarde de façon dynamique l’évolution de notre système de santé.

A cet égard, il me semble que la situation financière de la branche maladie devrait être un élément à prendre davantage en compte dans les réflexions actuelles en vue d’une meilleure articulation entre les interventions de l’assurance maladie obligatoire et des organismes complémentaires, dans une logique de complémentarité choisie et concertée entre les financeurs.

Les complémentaires santé sont légitimes pour intervenir plus fortement sur la prévention des risques, qui est au cœur de leur métier, sur certaines prises en charge comme dans le champ de la santé mentale ou encore sur des services innovants, comme nous l’avons fait avec le tiers payant ou la téléconsultation, pour lesquels nous avons été pionniers.

Enfin, je suis convaincu que nous avons un dialogue à renouveler avec les professionnels de santé notamment dans le cadre conventionnel. Par exemple, nous souhaitons pouvoir travailler en amont de la renégociation de la prochaine convention médicale avec les syndicats de médecins libéraux et l’assurance maladie obligatoire. Des dispositifs sont à construire ensemble pour accélérer la modernisation de notre système de santé encore trop tourné vers le curatif au bénéfice des assurés.

La complémentaire santé solidaire (CSS), destinée à améliorer l’accès aux soins des personnes à revenus modestes, a été mise en place il y a 20 mois. Et pourtant, le rapport de la Cour des comptes de juillet 2021 rappelle que 12 % des personnes les plus pauvres ne bénéficient pas d’une couverture complémentaire malgré le dispositif. Considérez-vous que ce constat représente un échec de la CSS et que la perte de la gestion des CMU-C et ACS soit dommageable pour la population concernée ?

La complémentaire santé est un élément essentiel de l’accès aux soins. Tous les Français doivent y avoir accès, c’est une priorité que nous partageons. Je rappelle ici que la complémentaire santé solidaire (CSS), qui permet une couverture complémentaire couvrant un panier de soins large à destination des personnes à revenus modestes, est un dispositif de solidarité entièrement financé par la taxe de solidarité additionnelle (TSA) sur les contrats de complémentaires santé.

La réforme de la CSS vise à améliorer du taux de recours par rapport aux précédents dispositifs CMUC et ACS. Selon les derniers chiffres, le nombre de bénéficiaires serait en légère hausse même si nous sommes encore loin des 12 millions de personnes potentiellement éligibles. Les mesures prévues dans le PLFSS pour 2022 qui simplifient les démarches des personnes bénéficiaires de minima sociaux pour accéder à la CSS vont dans le bon sens.

Globalement, il est trop tôt pour tirer un bilan définitif de la réforme compte tenu notamment du caractère atypique de la période marquée par la crise sanitaire. Il conviendra aussi dans le cadre de l’évaluation du dispositif d’apprécier dans quelle mesure les organismes complémentaires partenaires ont été en capacité, compte tenu du niveau des frais de gestion décidé par les pouvoirs publics, de poursuivre leur engagement de solidarité et de proximité auprès des assurés les plus fragiles.

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