Président de l’Union nationale des organismes d’assurance maladie complémentaire (UNOCAM) et membre du bureau d’Aésio : c’est avec cette double casquette que Maurice Ronat partage son point de vue sur la réforme 100 % Santé.
Quel bilan tirez-vous des premiers mois de mise en œuvre de la réforme 100 % Santé ?
En optique, malgré une baisse des remboursements sur le panier B, le reste à charge a plutôt augmenté tout en restant dans les limites que présentent les classes de montures. Globalement, les personnes ont plutôt choisi de meilleures montures. Plus précisément, les professionnels constatent que l’offre en 100 % Santé sur les verres monofocaux ne pose pas de problème tandis que celle concernant les verres multifocaux induit davantage les gens à aller vers des verres de qualité supérieure qui ne sont pas pris en compte. La limitation des remboursements et des prix n’a donc pas l’effet escompté ; il faut regarder de près la qualité des verres sur les multifocaux car d’autres catégories sont présentes et qui ne correspondent pas à celles de l’offre 100 % Santé. La première analyse que j’en retire c’est que les gains espérés en optique, évoqués lors des bilans travaillés avec le Ministère en septembre, ne se concrétiseront pas, ou très partiellement*.
Un point de crispation en particulier repose sur les bases de données qui doivent nous arriver de la part des opticiens. Le Ministère n’a pas tranché sur les modalités de transmission malgré quatre réunions sur le sujet entre novembre et décembre 2020 ! De fait, à date, nous n’avons toujours pas reçu le relevé de positionnement promis par la DSS. On peut à juste titre s’interroger sur les raisons de ce refus.
Un autre point délicat concerne l’audioprothèse dont le 100 % Santé est opérationnel depuis le 1er janvier 2021.
Un certain nombre d’audioprothésistes ont noté que quelques complémentaires avaient modifié leurs conditions de prise en charge de la catégorie 2. La Mutualité Française a lancé une enquête pour vérifier cette situation ; je peux vous dire que, chez Aésio, il n’en est rien.
Je rappelle le fonctionnement de cette prestation avec un exemple. Un adhérent avec une complémentaire santé, qui était couvert à 200 % de base de remboursement, a vu sa prise en charge évoluer comme suit : 200 % de 400 euros (base de remboursement), soit 800 euros – 240 euros par l’Assurance maladie et 560 euros par l’assurance complémentaire.
(Il est à noter qu’en trois ans, les bases de remboursement sont passées de 200 euros à 400 euros ; de ce fait, la participation des organismes complémentaires a fortement augmenté).
Dans le même temps, sur un prix de vente de 950 euros au 1er janvier 2021 la catégorie 1 voit l’Assurance maladie prendre en charge 240 euros et 710 euros par les organismes complémentaires.
La polémique vient donc du fait que le remboursement des complémentaires de la catégorie 2 est inférieur à celui de la catégorie 1, qui dans de nombreux cas n’a pas modifié sa prise en charge.
La loi de finances de la sécurité sociale rend obligatoire l’offre de tiers payant sur le 100 % Santé par les complémentaires à partir de 2022. Quel est votre point de vue sur cette évolution ?
La seule condition à la généralisation du tiers payant c’est qu’on dispose des données. Il suffit pour ce faire que la transmission entre les professionnels de santé et les complémentaires se fasse en bonne intelligence. Aujourd’hui plus de 90 % de l’optique est déjà en tiers payant.
Plus largement, quels sont selon vous les facteurs de réussite du 100 % Santé durant les prochains mois ?
Comme je l’ai déjà souligné, la question de l’accès aux données est essentielle et prioritaire. Nous avons temporisé pour l’optique avec un décret qui nous permet de travailler jusqu’à la fin de 2021 selon les règles en vigueur précédemment. Mais, présentement, nous faisons face aux avocats des professionnels de santé qui nous expliquent qu’on n’a pas besoin des données alors que nous disons exactement le contraire…
Sur l’optique, il faudra être attentif aux équipements pris en compte et notamment à la qualité des verres entre les paniers.
Sur l’audiologie, je suis plus inquiet. Comment vont réagir les professionnels de santé en ce qui concerne la catégorie 2 ? Un remboursement minoré le rendrait en effet beaucoup plus difficile à vendre.
Quant au tiers payant, à partir du moment où nous trouverons un accord sur les codes à utiliser, il se greffera de lui-même, naturellement.
Nous aurions dû aussi avoir une autre rencontre dédiée au 100 % Santé en janvier mais elle a été reportée en raison de la crise sanitaire. Des trois familles de complémentaires, certaines, comme les instituts de prévoyance, ont été plus touchées notamment parce que les entreprises n’ont pas pu payer leurs cotisations. Nous essayons de trouver un juste milieu entre les exigences de chacun.
Crédit Photo : © Franck Beloncle
*Les chiffres d’Aésio pour l’année 2020 seront disponibles à brève échéance et devraient confirmer ces tendances.