
Par Docteur Catherine Solano
Médecin sexologue et journaliste médicale, le Docteur Catherine Solano est expert Santé Carte Blanche Partenaires.
Depuis 2013 d’après le Sénat, la pénurie de médicaments explose en France, affectant par moment la disponibilité de médicaments essentiels, des anticancéreux, des vaccins et particulièrement des médicaments injectables.
En 2020, on a comptabilisé environ 2 400 ruptures de médicaments, six fois plus qu’en 2016. Mais pourquoi ?
Des chiffres
D’après le Sénat, en 2016, en moyenne 300 médicaments étaient en rupture chaque mois pendant au moins 72 heures et 2 % des médicaments pendant plus de 72 heures.
En moyenne, les ruptures durent 40 jours pour les médicaments et 179 jours pour les vaccins, mais cela recouvre d’importantes disparités, certains médicaments pouvant être en rupture plusieurs mois, ou même plusieurs années !
Dans le milieu hospitalier, un pharmacien d’hôpital universitaire a calculé que 9,7 % des médicaments étaient déjà manquants en 2016 avec une durée moyenne de pénurie de 4,2 mois. Depuis, la situation a empiré.
Pourquoi de telles pénuries ?
Beaucoup de raisons expliquent les pénuries de médicaments :
– Les médicaments en rupture sont souvent anciens donc peu onéreux. Les laboratoires préfèrent fabriquer en priorité leurs médicaments les plus chers et les plus rentables.
– La fabrication de médicaments est longue et ne peut s’ajuster rapidement. Il faut en effet 4 à 6 mois depuis la fabrication des molécules actives jusqu’au contrôle qualité du médicament fini, en passant par le façonnage et le conditionnement. Cette durée est bien plus longue pour les produits injectables. Il faut habituellement entre 6 et 36 mois pour fabriquer un vaccin dont 70 % du temps de fabrication est destiné aux contrôles de qualité.
– La fabrication de nombreux médicaments se fait à l’autre bout du monde, en Inde ou en Chine et cela rend d’autant plus difficile les contrôles ou échanges ; 80 % des fabricants de substances pharmaceutiques actives utilisées pour des médicaments disponibles en Europe sont situés en dehors de l’Union Européenne.
– Les normes applicables ne sont pas les mêmes selon les zones géographiques de commercialisation, ce qui fait qu’un médicament destiné à un pays ne pourra pas forcément se trouver commercialisé dans un autre pays.
– Les fabricants de médicaments développent en masse en rationalisant leurs frais, ce qui devient davantage prioritaire par rapport à la disponibilité des médicaments.
– Pour un médicament donné, à cause des concentrations d’usines, il existe parfois seulement deux fournisseurs ce qui rend les capacités d’adaptation très étroites.
– Les pays émergents sont de plus en plus acheteurs de médicaments, ce qui fait que la demande peut augmenter plus vite que l’offre.
– Les stocks n’existent quasiment plus, les médicaments étant fabriqués en flux tendu.
– La France n’est pas un marché vraiment prioritaire pour les industriels, car le prix des médicaments y est inférieur à celui d’autres États.
Au total, c’est pour toutes ces raisons que l’Etat met en place des stratégies pour éviter au maximum ces pénuries notamment pour les médicaments essentiels.
En mai 2021, l’Etat a ouvert un service nommé Trustmed afin que les industriels déclarent les risques de pénurie de médicaments.
https://ansm.sante.fr/vos-demarches/industriel/declarer-une-rupture-de-stock-mitm

Médicaments en difficulté d’approvisionnement aux hôpitaux de Paris
Sources :
– Que choisir, novembre 2020. Pénuries de médicaments https://www.quechoisir.org/action-ufc-que-choisir-penuries-de-medicaments-devant-la-responsabilite-criante-des-laboratoires-les-pouvoirs-publics-doivent-sortir-de-leur-complaisance-n84943/
– Pénuries de médicaments et de vaccins : renforcer l’éthique de santé publique dans la chaîne du médicamenthttp://www.senat.fr/rap/r17-737/r