Sophie Dartevelle

Sophie Dartevelle : « La santé bucco-dentaire est un marqueur des inégalités sociales »

Au-delà des soins dentaires qu’ils prodiguent, les chirurgiens-dentistes jouent un rôle décisif pour la santé globale des patients. La présidente de l’UFSBD (Union Française pour la Santé Bucco-dentaire), Sophie Dartevelle, revient sur les apports de la profession en faveur des parcours de santé. Elle explique également le rôle des chirurgiens-dentistes de l’UFSBD pour la prévention bucco-dentaire alors que 4 Français sur 10 ne vont pas chez le dentiste.

Vous indiquez que le bucco-dentaire est un élément structurant de notre système sanitaire. Pour quelles raisons ?
La santé bucco-dentaire a un impact fort sur la santé globale de chaque individu. Les maladies dentaires et parodontales peuvent ainsi favoriser l’apparition d’affections cardio-vasculaires, pulmonaires, rénales, ou articulaires…. Elles peuvent aussi provoquer des accouchements prématurés. En réalité, personne ne peut se dire en bonne santé s’il n’a pas une bonne santé bucco-dentaire. C’est pourquoi le chirurgien-dentiste joue un rôle clé au sein du parcours de santé de chaque patient. 

Cette question est d’autant plus importante que ce sont les publics les plus vulnérables qui sont les plus touchés par les maladies dentaires. La santé bucco-dentaire est un marqueur des inégalités sociales de santé et ces dernières se creusent de façon inquiétante.

Face à ce constat, les acteurs publics ne doivent jamais oublier qu’une très grande partie des pathologies dentaires et parodontales peuvent être évitées par la prévention. Cela passe par la sensibilisation de l’ensemble de la population aux gestes simples du quotidien et par la visite régulière chez le chirurgien-dentiste dès le plus jeune âge.

Quelles sont les répercussions de la crise de la Covid pour les chirurgiens-dentistes et pour la santé bucco-dentaire des Français ?
Nous ne disposons pas d’études épidémiologiques en la matière, mais nous avons pu observer de nombreux impacts sur la santé bucco-dentaire de nos patients et plus largement de la population.

Avant que le confinement n’entre en vigueur, l’UFSBD a été l’un des premiers acteurs à préconiser la fermeture temporaire des cabinets afin de freiner la propagation du virus. Un dispositif de garde a été mis en place pour assurer la continuité des soins.  Si cela a permis de répondre à une partie des urgences, cette situation ne pouvait pas perdurer face à l’afflux de la demande mais aussi aux renoncements de soins ainsi qu’aux reports de prise en charge de la part de nombreux Français. Il n’était pas réaliste d’imaginer que nous allions pouvoir fermer des cabinets de dentistes durant deux mois sans que cela n’ait de répercussions sérieuses pour la santé globale des Français. 

C’est pourquoi j’ai interpellé le gouvernement afin que les chirurgiens-dentistes puissent rouvrir leur cabinet en bénéficiant d’équipements de protection afin de retrouver leur place au sein des parcours de santé. Leur réouverture a permis de gérer les urgences, puis progressivement de prendre en charge les autres demandes. 

Quels défis doit-on relever pour réduire les délais d’attente au sein des cabinets de chirurgiens-dentistes ?
C’est une question multifactorielle et il n’existe pas de solution miracle. Le premier enjeu est la question de la démographie et de la répartition professionnelle sur le territoire. Comme pour la plupart des professions de santé, nous assistons à une concentration de cabinets ou des centres dentaires au sein des villes et des zones périurbaines tandis que plusieurs zones rurales souffrent de leur absence.

On parle également beaucoup  de la délégation de certaines tâches auprès d’assistants dentaires, au sein des cabinets dentaires, mais aussi de recours à la télémédecine. La téléconsultation permettrait par exemple d’identifier les urgences réelles et les demandes qui peuvent êtres temporisées.  

Mais l’un des principaux leviers sur lequel nous pouvons tous agir est celui de la prévention. Les délais d’attente sont avant tout préjudiciables en cas d’urgence. Or, les situations d’urgence sont pour la plupart évitables grâce à l’adoption d’une bonne hygiène bucco-dentaire et par la consultation de chirurgiens-dentistes dans le cadre de rendez-vous planifiés à l’avance et non pas à la dernière minute.

La réduction des délais d’attente ne pourra avoir lieu que par la prise en compte de ces facteurs, des réalités de chacun des territoires et de l’intégration pleine et entière des chirurgiens dentistes au sein des parcours de santé des Français. 

Cet enjeu de prévention rejoint l’engagement des chirurgiens-dentistes de l’UFSBD au sein de leurs cabinets mais aussi en dehors. Comment s’organise ce travail ?
4 Français sur 10 ne vont pas chez le dentiste. La profession doit donc aller à la rencontre de la population et en particulier des publics les plus vulnérables. Nous menons des actions de sensibilisation au sein de différents lieux de vie, notamment dans les crèches, les établissements scolaires, les entreprises, les établissements accueillant des personnes en situation de handicap ou les EHPAD. L’enjeu est de faire rentrer le plus grand nombre de patients dans un parcours de santé bucco-dentaire.

C’est un vrai travail de sensibilisation que nous menons car les freins à la consultation d’un chirurgien-dentiste sont profonds et tiennent notamment de la représentation du cabinet, à une certaine peur et à quelques idées reçues. La question de l’accès aux soins dentaires ne se limite pas à la question du coût, alors que 98% des Français disposent d’une protection obligatoire et complémentaire qui leur permettrait de consulter leur dentiste en étant remboursé.

Une fois les patients sensibilisés à aller consulter le chirurgien-dentiste, l’enjeu est que ce lien ne soit jamais rompu et que la visite annuelle s’inscrive dans l’agenda du patient.  L’idéal serait de proposer des dispositifs de prévention spécifiques tout au long de la vie : en partant du dispositif existant de 3 à 24 ans pour aller au-delà à 35 ans, en amont de la retraite à 55 ans et pour préparer la dépendance à 75 ans. 

Nous appelons les pouvoirs publics à intensifier les actions de sensibilisation et de prévention auprès de la population. Si Les pathologies dentaires peuvent avoir des conséquences graves sur la santé de millions de Français, elles ne sont pas pour autant une fatalité.

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